Rango ravala difficilement sa salive avant d’être pris d’un hoquet légèrement teinté de sang. Oooooh, son poing était si lourd, il avait beau être dans sa forme partielle, être protégé par ses écailles et la vitalité des fruits du Zoan, il chancelait. Il n’avait jamais été mis dans cette position. Il n’était pas du genre à se battre de toute manière. Il en arrivait à ces extrémités uniquement parce que ce gars-là était passé outre ses méthodes infaillibles. Lui n’était qu’un homme lambda, pourquoi est-ce que les ennuis finissaient toujours par le trouver.
“Bon, bon, bon. Rango t’as probablement payé pour tendre ce piège. Dis-moi où il est maintenant.”
Le bruit des pas, lent et bruyant, du délinquant ne faisaient que se rapprocher et il n’arrivait pas à retrouver correctement ses appuis. Il avait envie de partir, de tout lâcher, mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus. Et puis…
“Mais t’es débile ou quoi… C’est moi Rango !”
…
Silence gênant.
Ah. Il avait fait une bêtise pas vrai ?
Le pied de Dalvo s’écrasa à quelques centimètres à peine du visage de Rango, son regard sévère posé sur la nuque écailleuse de celui qu’il considérait jusque-là comme un homme de main. Un simple pion payé par un fauteur de trouble pour gérer les problèmes à sa place, sans réelle conviction autre que l’argent.
“Alors comme ça c’est toi…”
Rango senti une étreinte de fer se refermer sur son crâne, les doigts de Dalvo serrant sa tête comme une pince à la fête foraine avant de le faire remonter à la seule force de son bras. Soudainement le petit criminel se retrouvait plusieurs centimètres au-dessus du sol, au niveau des yeux de la brute qui semblait complètement hors d’elle. Rango ravala difficilement sa salive en comprenant qu’il n’allait pas s’en sortir avant de tenter de détendre l’atmosphère avec un petit sourire.
“Heh. Sans rancune ?”
L’expression du pirate était claire : avec rancune. Il l’avait fait voler deux fois ? Il manquait encore un voyage avant d’être quitte.
“Aaaaaaaargh !”
L’homme lézard traversa son salon sans toucher le sol une seule fois, comme s’il jouait à ce fameux jeu d’enfant. Malheureusement pour lui, contrairement à la version bon enfant, à la fin de son parcours du combattant se trouvait un mur. Et pas un petit comme la cloison de tout à l’heure. L’empreinte laissée par sa silhouette cartoonesque était finement dessinée dans le bois. Ce n’était pas la meilleure œuvre de Dalvo, mais il s’en contenterait.
“Alors comme ça…”
De nouveau, les pas de la brute se rapprochaient et Rango voyait de plus en plus flou. Il allait le tuer. Il allait mourir ici.
“On cherche à ruiner ma réputation ?”
Il savait. Il se doutait probablement de toute l’histoire. Du client. De la raison derrière tout ça. Il allait se servir de lui pour faire un exemple. A l’aide.
“Comment tu crois que les autres pirates vont me traiter s’ils voient ton avis de recherche ? Tu penses qu’ils vont comprendre à qui ils ont à faire s’ils lisent “Dodo l’Asticot”...? S’ils lisent “mAUrt ou vif” ? Ou même “5 000 000 de Berries” ? SEULEMENT !?”
C’est bon. Il commençait à monologuer sa rancœur. Il l’avait de nouveau saisi par le col. Rango était pétrifié. Tellement saisi par la peur qu’il avait repris sa forme humaine. Aussi fine et pathétique que sa forme de fruit du démon. Il ne pouvait plus sentir le sol sous ses pieds et un hoquet de peur régulier était sa seule manière de s’exprimer.
“Non. Non. Non. Non. Non. Non ! Ça ne va PAS DU TOUT ! Et puis la photo… la photo bon sang ! Ou est ton appareil ?”
Il parlait de la photo. L’élément le plus important de l’avis de recherche. C’est vrai que ce n’était pas sa meilleure mais il avait dû la prendre dans des conditions difficiles. Et puis la banane rendait le cadrage compliqué. Mais les pirates et les criminels étaient très attachés à leur image. C’était normal… son appareil ? Pourquoi son appareil ?
“Aller là ! Ton appareil photo ! Il est où ?
- Euh… Euuuh… Sur… sur le meuble de… dans la pièce de… développement ?”
Qu’est-ce qui se passait ? Voilà qu’il se retrouvait trimballé à travers sa maison mal éclairée jusqu’à la chambre noire où il travaillait sur ses photos. La colère était toujours bien présente dans les yeux de la brute, mais Rango n’arrivait plus à prédire ce qu’il s’apprêtait à faire. La porte de la pièce plongée dans le noir éclata et la main libre de Dalvo attrapa l’appareil.
Rango restait silencieux. Dépossédé de toutes ses libertés, les gouttes de sueur dégoulinaient de son front. Est-ce qu’il voulait le faire souffrir ? Le déposséder de tous ses biens précieux avant d’en finir avec lui ? De…
“Aller. On ouvre tout ça !”
Après avoir jeté un Rango et son appareil sur le dernier fauteuil debout Dalvo s’était mis à ouvrir toutes les fenêtres et tous les volets à proximité. La lumière, comme une nouvelle intru dans l’intimité du pauvre hère, envahissait la demeure et ses moindres recoins.
“Une bonne photo ça demande de la lumière. On va reprendre du début.”
Sans trop comprendre le pourquoi du comment voilà que Rango se trouvait embarqué dans un processus créatif complexe pour prendre la meilleure photo de son agresseur. La pose, la lumière, la tenue, tout était réfléchi et calculé pour être optimal. Le développement derrière devait être soigné pour être coloré et vivant, mais tout de même sobre et classieux.
Une grande épreuve de qualité dans laquelle Dalvo s'avéra être un excellent professeur, à la grande surprise du “professionnel” qui avait tenté de ruiner sa vie et ça ne s'arrêtait pas là. Après la photo il a été question de l’encrage de l’avis de recherche, faire attention à l'orthographe à la régulation du tracé des lettres. Faire quelque chose de propre, de professionnel digne du numéro Un.
“Et surtout… mh… ajoute un zéro ou deux.”
Les heures avaient défilées plus vite que prévu alors que Rango était tenu en otage par Dalvo, obligé de retravailler sur ce qu’il avait utilisé contre lui pour en faire une meilleure version. Celui qui devait être un médecin itinérant et un marin aux limites de la piraterie avait un savoir faire très étrange sur un sujet si éloigné de son propre domaine et faisait preuve d’un grand sérieux et d’une passion dévorante.
Cette après midi qui avait commencé sur une note terriblement menaçante se terminait sur une fierté inattendue. La fierté du travail bien fait.
“Et maintenant.”
La voix de l’homme qui avait partagé son temps avec lui était soudainement plus grave, porteuse de mauvais augure.
“Tu vas retourner voir tes employeurs. Qui qu’ils soient. Je m’en fiche. Et passe leur ce message : Ils veulent me voir dégager de cette île ? Qu’ils viennent. Je les attendrai. J’ai tout mon temps et beaucoup de choses à tirer de cet endroit alors c’est une déclaration de guerre. Je ne quitterai cette île que sous la force, ou lorsque j’aurai jugé n’avoir plus aucun défi à relever. La garde, l’armée, la marine, les mercenaires, les chasseurs de primes. Qu’ils s’ammènent tous.”
La férocité et la détermination dans sa voix avait fait trembler Rango qui avait petit à petit pâli face à cette déclaration suicidaire.
“D’accord ?”
Rango était sans voix. Il y avait une telle confiance dans la posture de Dalvo qu’il lui était impossible de penser que c’était véritablement un idiot. Plus maintenant.
Sur ces mots et sans violence supplémentaire, le pirate à la banane quitta les lieux. Il avait trouvé le fauteur de trouble, prouvé sa force, sa supériorité sur son propre champ de bataille et corrigé l’affront de l’avis de recherche. Il ne lui restait plus qu’à retourner sur le Big Tony et continuer sa vie en laissant ce pauvre Rango avec son plus grand chef-d'œuvre.
Un magnifique avis de recherche ou le visage charismatique du pirate semblait percer du regard celui qui posait ses yeux dessus qui lisait : Dalvo D. Desperado, 50 000 000 de berries.