“Capitaine Vaskill ?”
Les pirates n’avaient pas compris ce qui s’était passé. Vaskill non plus à vrai dire. Tout ce qu’il comprenait c’est qu’il avait terriblement mal à la mâchoire. Tout son corps tremblait. L'atterrissage n’avait pas été facile. Il avait volé ? Sur une telle distance ? Qu’est-ce qui s’était passé ?
“Tu crois vraiment que moi, MOI ? Dalvo D. Desperado ! Plus grand Pirate de West Blue et Numéro Un de ces mers, je vais suivre un mec comme toi ? TOI ?”
L’affrontement entre les pirates les marines s’était brutalement stoppé. Les hommes et les femmes des deux camps étaient sasis de stupeur et de curiosité sur ce qui allait se passer ensuite, incapable d’intervenir sur cette scène bien trop lointaine et pourtantn si proche.
“Tu crois qu’un mec comme TOI, avec une hygiène de vie déplorable, un teint blême comme si t’avais pas vu le soleil depuis vingt ans, qui a le scorbut a coup sur et qui ne sait pas ce que c’est une douche, tu crois que TOI tu vas me donner des ordres, à MOI ?”
Vaskill peinait à se redresser pour regarder le pirate qui se rapprochait petit à petit de sa position. Chacun de ses pas faisait trembler les planches du pont supérieur comme s’il pesait plusieurs fois son poids.
“Tu crois qu’un mec comme TOI. Avec une calvitie aussi sévère mais quand même des cheveux longs, un pantalon de cuir rapiécé inutilement moulant et un vieux bout de cuir sur les épaules. Tu crois que TOI tu vas me faire partager TON rêve fétide ?”
La voix de Dalvo était empli d’une telle force, d’une telle détermination écrasante qui ne laissait place à aucune réponse, qu’elle en était presque étouffante. Vaskill n’était pas un enfant de coeur mais face à la force incompréhensible qui l’avait balayé et le discours enragé de son supposé sauveur, il ne pouvait s'empêcher de trembler.
“Tu crois que MOI, MOI ? Je vais me contenter d’une île ? D’un navire volé ? D’un petit trésor qui se résume aux économies d’un village, arraché à des gens qui ont du mal à bouffer ? Tu crois que MOI je vais me la couler douce sur des lauriers empoisonnés ?”
Il le surplombait, le géant, son ombre couvrait Vaskill entièrement et son visage était à peine discernable avec le soleil par-dessus ses épaules. C’était fini. Terminé. Il pouvait voir la fin. Il allait mourir ici. C’était sûr. Il allait terminer comme il avait toujours vécu. En se prenant pour un gros poisson. Un gros poisson dans une petite mare.
CLUNG.
L’impact d’une lourde chaîne sur le pont du Dulcia ebrecha quelques planches qui séparait encore Dalvo et Vaskill. Haletant, à bout de souffle et le regard hagard sous ses sourcils fournis, à peine capable de tenir sur ses genoux, le Commandant Chenery s’était relevé d’entre les morts.
“Ne le tue pas. Il fera face… à la justice. Tu n’as pas le droit de priver les citoyens de South Blue… de son jugement.”
Toujours aussi droit le vieil homme.
“Toujours aussi droit le vieil homme.”
Emporté par sa fougue, les pensées de Dalvo s'étaient échappées en mots. Ce n’était pas plus mal. Il avait un vrai respect pour les hommes comme ce commandant qui vivaient selon des idéaux de justice droite. Il les savait toujours là, enfoui profondément dans le cœur de ce vieil homme, prêt à refaire surface lorsque la situation le demanderait et le voilà en train de risquer sa vie pour un pirate qui avait manqué de le tuer et qui avait causé des années de trouble sur sa mer adorée.
Il n’était pas aussi volubile que la lieutenant Anémone D. Victory, mais avec un peu de travail et de motivation, il redeviendrait l’adversaire qu’il aurait toujours dû être.
“Commandant Chenery ! Je ne vais pas le tuer. Tu as ma parole. Mais tu me demandais plus tôt quels étaient les pouvoirs de mon Fruit du Démon, ceux pour lesquels je suis incapable de nager.”
Haut, très haut, Dalvo leva le poing en l’air, sous le regard du Commandant de la marine, ses hommes, Vaskill le Sauvage de Solbay et des pirates qui l'accompagnaient. Un instant c’était un simple symbole de victoire et de force, celui d’après il était recouvert d’une aura bleuté éclatante qui se confondait dans le ciel sans nuage. Le vrombissement était aussi discret qu’assourdissant, pulsant comme un cœur d’énergie dans le creux de sa main. Le cœur de son désir de laver celui de Vaskill de toute trace de l’égo putride qui l’habitait.
“J’ai mangé le fruit des tremblements et depuis je suis un Homme Tremblement, capable de créer des ondes depuis mes mains. D’habitude je les utilise à des fins thérapeuthique, mais là, le mal est trop profond. Ca ne suffira pas.”
Dalvo serra le poing quelques instants en regardant Vaskill d’un air dur. Après une seconde d’échange silencieux ou le pirate à terre implorait son bourreau de l’épargner, Triple D, l’homme aux 17.000.000 de berries écrasa son poing chargé d’énergie sur le pont du Dulcia, juste à côté du visage de Vaskill. L’impact fut tonitruant, le pont tout entier trembla, peut-être même le navire tout entier. Un silence terrifié se déposa sur la scène de combat comme une chape de plomb et Dalvo retira son poing du pont éventré à quelques centimètre à peine du visage de celui qui était connu comme le Sauvage de Solbay, mais qui n’était plus qu’un homme en pleure face à l’augure de la mort.
“Je quitte ce navire ! Je ne vous ferai pas payer pour le Big Tony. Estimez vous heureux ! J’ai pu affronter un adversaire intéressant et je n’ai plus l’envie de me battre.”
Marines et pirates s’écartèrent de son chemin, loin de vouloir devenir les prochaines victimes de ce monstre.
“Hey les marines ! Votre commandant va mourir de ses blessures si vous ne faites rien et vous les pirates… rendez vous. Si je vous recroise à souiller l’honneur du pavillon noir, vous pourrez gouter le fond de l’océan.”
Arrivé au niveau de la baliste, Dalvo décrocha la base du cable qui servait à tirer jusqu’ici le Big Tony aux côtés de cette frégate.
“Commandant Chenery ! Vous êtes fort ! Vous êtes vieux certes, mais vous êtes surtout complaisant. J’ai pu voir l’étoile dans vos yeux. Si vous ne voulez plus essuyer de défaite pareille de nouveau, retrouvez cette flamme ! Chérissez là ! Et peut-être qu’un jour nos chemins se croiseront de nouveau !”
Déployant une échelle de corde, Dalvo descendit jusqu’aux abord du Big Tony, un harpon de baliste toujours fiché sur le petit pont qui semblait si réduit comparé à celui du Dulcia. Ce n’était pas grave, il était tout à fait suffisant et puis… ce n’était pas n’importe quel navire mais celui qui avait échappé à une bataille navale avec deux bâtiments de la marine ! Ce n’était pas rien !
Quelques minutes plus tard, les roues à aubes du Big Tony avait recommencé à tourner, le menant tranquillement à travers les eaux de South Blue loin des deux navires, vers le sud.
Sur le Dulcia, le Lieutenant avait lancé un contre abordage afin de venir en aide à ses alliés. À forces égales et avec le moral des pirates en miettes, la victoire fut aisée et le commandant Chenery pu être pris en charge malgré la gravité de ses blessures. Lui qui avait toujours cherché à faire le bon choix faisait face à la cruelle moquerie du destin qui le mettait face à ses propres erreurs.
Voilà que les choix avaient été pris, la situation résolu, mais pas par lui.
Mais n’était-ce pas ce qu’il avait accepté depuis tout ce temps ? Depuis qu’il avait décidé de remettre le sort de South Blue entre les mains des autres marines, des forces du gouvernement mondial et même d’autres pirates ? Comment est-ce qu’aujourd’hui avait été différent de toutes ces années de paresse et de contentement ?
Oui, qu’est-ce qui avait été différent aujourd’hui ?
Sur sa couche d’infirmerie, le commandant Chenery serait les poings. A la recherche de cette réponse. Il l’avait senti quelques heures plus tôt, lorsqu’il avait fait ce pas en avant vers ce pirate aux motifs mystérieux. Mais là que le calme était retombé, il ne la trouvait plus. Elle était pourtant, juste là, devant lui.