Mon beau chagrin
Et le temps monotone des jours comme de vagues automnes, où le vent pleure les feuilles mortes parmi les guenilles du ciel.
Le poids de la balançoire faisait crisser la branche du grand érable. Insensible à cette plainte, le passager battait des jambes pour arriver toujours plus haut, sentir le vent siffler contre ses oreilles et contempler le spectacle des clochers et des villages. Puis sa chevelure rosée fondait dans le sens inverse, alors que la corde décrivait un nouvel arc-de-cercle.
C'était le temps de l'innocence, le temps où l'inquiétude ne concernait que les éléments du goûter à venir, où l'idée de la mort n'effleure jamais l'esprit ; les mots ne sont que des mots et tout est toujours limpide, les choses compliquées sont laissées de côté, oubliées. Orion était à un âge précieux que l'on regrettait toute sa vie d'avoir dépassé. Aussi, peu lui importait que le regard de son père s'assombrisse durant quelques instants, et que les adultes parlent bas. Peu importait la distance dans celui d’Estell, rivés sur un horizon dans lequel lui ne percevait qu'une mer de saphir.
La silhouette du garçon se hissa sur la planche, ses mains tenant la corde ; debout sur la balançoire il observa les alentours, son royaume. Il avait eu une poussée de croissance, cet été, et la pauvre planche supportait à peine son poids désormais. Il ramassa son bâton et longea la barrière en bois, derrière laquelle paissait paisiblement un troupeau de chèvres.
Biquette Numéro Treize n’avait pas l’air dans son assiette, aujourd’hui. Poussant la lourde barrière de bois, il s’approcha de la bête, qui se laissa gentiment faire, apaisée par la présence rassurante d’Orion qui passa un bras autour de son encolure.
Tu manges pas beaucoup Biquette. ‘Faut manger, hein. Biquette se contenta d’ignorer la poignée d’herbe que lui tendait Orion.
Après inspection, tout semblait dans l’ordre. Biquette était juste… vieille, et il avait du mal à l’accepter. Ce lent déclin. À la fin du chemin, il faudrait pourtant se dire au revoir. Orion n’était pas encore prêt pour ça, et il passait la voir chaque jour au champ, obstinément, attentif au moindre signe de faiblesse de la vieille Biquette, les yeux bleus plongés dans ce regard jumeau.
Il se redressa, produisant quelques claquements de langue. Aussitôt, le troupeau commença à s’activer pour le suivre comme une seule entité, mais il se figea aussitôt dans un tintamarre de cloches. Orion s’était figé, et il regardait la barrière laissée grande ouverte.
Le crétin ! Il se retourna et compta les chèvres, sentant la panique monter.
Il en manquait une. Pire : il avait relâché son attention assez longtemps pour qu’elle ne soit plus dans son champ de vision. Il laissa les chèvres dans l’enclos et referma la barrière en panique avant de dévaler le chemin, blanc comme un linge à l’idée de devoir expliquer à son père qu’il avait perdu une des chèvres. Il l’entendait déjà : “Tu sais combien ça coûte, une chèvre ?!”. Et oui, il savait combien ça coûtait, raison de plus pour la retrouver au plus vite.
Papa va me tuer…, gémit-il en courant.
Il dévala le chemin et arriva rapidement a la ferme, tenant son bâton d’une main et essuyant son front de l’autre. En nage, il jeta quelques coups d’oeil autour de lui, et réalisa qu’une petite fille était en train de marcher dans sa direction. Il lui adressa un signe de main, courant vers elle en petites foulées.
Manoa ! Tu as vu une, euh, une chèvre passer ?
Malgré le fait qu’elle ne soit pas d’ici, Manoa venait souvent à la ferme jouer avec Estell, lui, et les autres gamins. Elle avait facilement cinq ans de moins qu’Orion, mais les deux enfants s’entendaient à merveille (qu’il était facile de s’entendre à cet âge-là) et il l'emmenait souvent voir les troupeaux entre deux jeux. La voir était toujours une surprise agréable, et Orion ébourriffa les cheveux noirs de la petite fille, souriant malgré le stress qui pesait actuellement sur ses épaules.
C'était le temps de l'innocence, le temps où l'inquiétude ne concernait que les éléments du goûter à venir, où l'idée de la mort n'effleure jamais l'esprit ; les mots ne sont que des mots et tout est toujours limpide, les choses compliquées sont laissées de côté, oubliées. Orion était à un âge précieux que l'on regrettait toute sa vie d'avoir dépassé. Aussi, peu lui importait que le regard de son père s'assombrisse durant quelques instants, et que les adultes parlent bas. Peu importait la distance dans celui d’Estell, rivés sur un horizon dans lequel lui ne percevait qu'une mer de saphir.
La silhouette du garçon se hissa sur la planche, ses mains tenant la corde ; debout sur la balançoire il observa les alentours, son royaume. Il avait eu une poussée de croissance, cet été, et la pauvre planche supportait à peine son poids désormais. Il ramassa son bâton et longea la barrière en bois, derrière laquelle paissait paisiblement un troupeau de chèvres.
Biquette Numéro Treize n’avait pas l’air dans son assiette, aujourd’hui. Poussant la lourde barrière de bois, il s’approcha de la bête, qui se laissa gentiment faire, apaisée par la présence rassurante d’Orion qui passa un bras autour de son encolure.
Tu manges pas beaucoup Biquette. ‘Faut manger, hein. Biquette se contenta d’ignorer la poignée d’herbe que lui tendait Orion.
Après inspection, tout semblait dans l’ordre. Biquette était juste… vieille, et il avait du mal à l’accepter. Ce lent déclin. À la fin du chemin, il faudrait pourtant se dire au revoir. Orion n’était pas encore prêt pour ça, et il passait la voir chaque jour au champ, obstinément, attentif au moindre signe de faiblesse de la vieille Biquette, les yeux bleus plongés dans ce regard jumeau.
Il se redressa, produisant quelques claquements de langue. Aussitôt, le troupeau commença à s’activer pour le suivre comme une seule entité, mais il se figea aussitôt dans un tintamarre de cloches. Orion s’était figé, et il regardait la barrière laissée grande ouverte.
Le crétin ! Il se retourna et compta les chèvres, sentant la panique monter.
Il en manquait une. Pire : il avait relâché son attention assez longtemps pour qu’elle ne soit plus dans son champ de vision. Il laissa les chèvres dans l’enclos et referma la barrière en panique avant de dévaler le chemin, blanc comme un linge à l’idée de devoir expliquer à son père qu’il avait perdu une des chèvres. Il l’entendait déjà : “Tu sais combien ça coûte, une chèvre ?!”. Et oui, il savait combien ça coûtait, raison de plus pour la retrouver au plus vite.
Papa va me tuer…, gémit-il en courant.
Il dévala le chemin et arriva rapidement a la ferme, tenant son bâton d’une main et essuyant son front de l’autre. En nage, il jeta quelques coups d’oeil autour de lui, et réalisa qu’une petite fille était en train de marcher dans sa direction. Il lui adressa un signe de main, courant vers elle en petites foulées.
Manoa ! Tu as vu une, euh, une chèvre passer ?
Malgré le fait qu’elle ne soit pas d’ici, Manoa venait souvent à la ferme jouer avec Estell, lui, et les autres gamins. Elle avait facilement cinq ans de moins qu’Orion, mais les deux enfants s’entendaient à merveille (qu’il était facile de s’entendre à cet âge-là) et il l'emmenait souvent voir les troupeaux entre deux jeux. La voir était toujours une surprise agréable, et Orion ébourriffa les cheveux noirs de la petite fille, souriant malgré le stress qui pesait actuellement sur ses épaules.