« On ouvre la séance. Que tous les participants s’avancent d’un pas, siouplait. »
Comment Jack avait réussi à se mettre dans cette situation exactement ? L’heure d’avant, il dormait dans sa cabine, et maintenant, le voilà qui était sur un banc des accusés improvisés, à quelques kilomètres des côtes. Jack finit par se lever et avancer d’un pas. Il se trouvait à bâbord du pont, et à tribord, se trouvait ce qui pouvait s’apparenter à un procureur… bien que Jack ne connaissait pas ce mot. Pour lui, ce serait « le vilain qui essaye de m’accuser d’avoir voler un tas d’or ! ».
Surplombant tout le monde, un simili-juge qui portait le titre de Cap’taine observait les deux partis, un poisson cru dans la main. Pendant que les participants prenaient leur place, il arracha avec les dents la tête du poisson, avant de la cracher dans la mer et de manger la chair à coup de crocs. Le cap’taine avala son morceau avant de commencer.
« On a pas d’professionnels de justice à bord, donc tout le monde va assurer sa propr’ défense, c’compris ? J’ai pas trop envie de faire trainer les choses. »
Dans le public se trouvait le reste de l’équipage, composé de Grande perch’, grosse pom’, et p’tit mousse, le plus jeune de l’équipage. Le dernier membre de l’équipage se trouvait là en tant que procureur et portait le doux nom de Nez d’rat. En plus de l’équipage se trouvait quelques autres voyageurs qui, tout comme Jack, avaient achetés une place dans le navire pour voyager de Kalaté à Baterilla.
Il y avait l’insupportable noble du nom de Monsieur Federico, toujours avec ses fourrures qui cachaient sa forme rachitique, originaire de Samba. Il y avait aussi Alice, dame distinguée qui n'avait pas l'air à sa place, et César, voyageur qui a dépensé toute sa fortune pour un aller simple vers Baterilla.
« On va tenter d’faire ça bien, capiche ? C’est l’procureur qu’est censé introduire c’qui s’est passé. Nez d’rat, tu vas nous décrire pourquoi on est là, et pourquoi on accuse ce « Jack ». »
Le procureur au visage malicieux prit une position moins recourbée que précédemment, avant de prendre la parole.
« Merci cap’taine. Les événements qui nous rassemblent ici sont ceux du vol de la cargaison d’or et de bijoux divers qui était destinée à passer par Grand Airlines avant d’arriver à Marie Geoise pour faire office de présent de la part d’un noble du royaume de la Samba. Monsieur Federico ici présent était là pour assurer que la cargaison arrive à bon port avant de repartir dans son royaume natal. »
Le noble aigri se leva brusquement avant de lancer un « Et si personne ne retrouve cet or, je vous assure que plus jamais vous n’aurez la possibilité de reprendre la mer, foi d’aristocrate ! »
Un léger silence emplit l’assemblée avant que Nez d’rat fit mine de tousser pour reprendre l’attention.
« Le crime a eu lieu il y a environ une heure. Le coffre contenant le présent a été retrouvé vide par le cap’taine ici présent. Le coffre était entreposé dans une pièce fermée à double tour, et aucune trace d’effraction n’a été retrouvé. De plus, la clé du cap’taine pour entrer dans cette pièce a mystérieusement disparu. Nous ne nous en sommes rendus compte qu’après le vol, nous ne pouvons donc pas savoir depuis combien de temps la clé était manquante. Tout porte à croire qu’un voleur a subtilisé la clé avant de l’utiliser pour voler le trésor. »
Jack s’insurgea depuis le côté des accusés.
« Mais c’est pas moi ! Pourquoi c’est moi qui serais le voleur ?! »
Derrière le visage disgracieux de Nez d’rat se cachait un sourire toujours plus narquois.
« J’allais y venir. En effet, rien ne porte de base à croire que Monsieur Treepwood ici présent serait le voleur… ou bien ? Jack a plus tôt affirmé qu’il dormait dans sa cabine, empêchant toute personne de corroborer son alibi, évidemment. »
« Mais c’est vrai ! J’ai bien le droit de dormir ! »
« Oui, évidemment, mais c’est aussi pour cela que je me suis un peu renseigné sur vous, et il semble que certaines personnes sur ce navire, comme Grande perch’ ici présent, vous aurait vu dans une kermesse pour enfants, je cite, se transformer en un gros truc doré pour combattre un gars en rose. Outre la violence des faits évoqués, j’ai particulièrement tiqué sur le mot « doré ». Est-ce que vous absorbez l’or d’une manière ou d’une autre ? »
« Mais non je- »
« Evidemment que vous alliez dire non. Mais pour terminer, je tiens à sortir cette première pièce à conviction, sous la forme de cette touffe de poils, trouvé sur les lieux du crime. Et je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de personnes sur ce navire capable de laisser une touffe de poils. C’est pourquoi nous accusons Jack Treepwood de vol ! »
C’est un Jack médusé et un peu paniqué qui se tourna vers l’assemblé et vers les protagonistes de ce procès, presque tous pointant un regard inquisiteur vers le singe ! On dirait bien que personne n’allait considérer une autre possibilité que sa culpabilité… Mais attendez !
Il est innocent, ça, c’est certain, et il n’y a pas d’autre alternative ! Ce qui veut dire que quelqu’un d’autre est coupable ! Il fallait juste trouver pourquoi cette touffe de poils se trouvait ici, et le tour était joué ! Le singe respira un coup avant de se tourner vers le juge temporaire.
« Monsieur le cap’taine ! Je suis prêt à me défendre ! »