Un sourire ravageur, lancé à sa proie, pendant que des éclaboussures sanguines tâche son joli minois.
L’odeur du parfum de luxe emplit les nez de sa victime, berçant son bourreau de ses cris affolés.
La barre d’albâtre se fracassant sur son crâne dans un concerto macabre, laissant couler sur le sol sang, cervelle et une loque désormais inanimée.

Saul est un tueur. C’est vrai. Mais Saul est avant tout un artiste. Et ses victimes sont ses toiles. Pour lui, tuer est un moyen d’expression. La façon dont il s’y prend varie en fonction du message qu’il veut envoyer. Il veut exprimer sa joie ? Il fera éclore tripes et boyaux d’un individu, crucifié sur le sol, tel une fleur. L’humeur est à la tristesse ? Alors il en fera un nuage, dont la pluie rouge résulte de l’ouverture de ses veines. Un événement quelconque a suscité sa ire ? Alors tel un vase cassé sur le sol, sa nouvelle toile se trouvera démembrée, avec inscrit sur le visage son dernier sursaut de stupeur.
Un tel modus operandi l’a rendu facilement identifiable parmi les tueurs de la pègre. Et c’est tant mieux ! Un artiste se doit de se faire connaître de tous, car c’est la voie de la postérité et du succès !

… Seul un esprit brisé et malsain pourrait arriver à envisager l’art de cette façon. Seul un individu profondément malfaisant pourrait jouer avec autant de légèreté avec la vie humaine. Alors autant aller droit au but : Saul est un individu instable, fourbe et violent qui ne recule devant rien ni personne pour accomplir ses objectifs. Aucun acte n’est trop abject, aucune personne trop sacrée, aucune limite infranchissable. Il agira comme bon lui semblera en toute circonstance, car c’est ça, être libre. Si un individu entrave sa liberté, il n’aura aucune pitié à lui prendre la sienne, et plus encore. Car la liberté est la preuve la plus évidente de la force. Les forts ne portent pas de chaînes et n’obéissent qu’à leur propre lois. Ils sont fait pour diriger. Contrairement aux faibles, qui ne peuvent pas assumer leur propre libre arbitre et se retrouvent obligés de dépendre d’autrui. Saul ne supporte pas les faibles, qui selon lui ne méritent pas de vivre. Car la faiblesse est un péché.

L’envie d’être le plus libre, le plus fort possible, a éveillé une très grande ambition chez Saul. Il veut régner. Il veut diriger. Non pas pour rendre le monde meilleur, mais pour prouver à tout le monde que sa liberté ne connaît pas de limite, à l’instar des nobles et des dirigeants mondiaux qu’il déteste de façon viscérale. La raison de cette haine se trouve dans son passé, qu'il se souvient par bribe suite à un sévère trouble dissociatif. Par conséquent, il reste volontairement évasif sur les questions de ses origines : les seules traces "visibles" qu’il lui reste de sa vie d'autrefois sont les phobies qu'il a développées.

Au final, on peut facilement en déduire que la véritable ambition de Saul est de faire reconnaître sa propre existence au monde entier, prouver qu’il est quelqu’un et pas un simple souvenir dans la vie d’autrui. Une soif de reconnaissance égale à sa peur la plus secrète : redevenir personne.

Cher Journal,

J’ai accouché hier ! Les autres domestiques m’ont aidé pour l’accouchement, car j’étais interdit de quitter le domaine de Maître Gullverg sans sa permission. Depuis que nous avions commencé à nous fréquenter de façon intime, Maître Gullverg a commencé à prendre des précautions pour que son entourage et principalement sa femme et ses enfants ne découvrent rien. Une relation adultère entre un noble et une esclave risquerait de ruiner la réputation de Monsieur, et contrairement à ses compatriotes, il est vraiment gentil et attentionné avec les gens de notre caste ! Nous avons des horaires honnêtes, il ne nous bats pas, et va même jusqu’à payer un docteur pour voir si nous sommes en bonne santé !
Une misérable personne comme moi ne mérite pas tant de bonheur ! Je suis sûr qu’il se révélera être un excellent père pour le bébé et qu’il grandira pour être aussi doux et gentil que lui !
Mais je m’égare, cher journal. Comme je le disais plus tôt, j’ai accouché hier. Il est tellement beau. A l’heure ou j’écris ses lignes, son petit corps se repose sur mon lit. Pour l’instant, ni le Maître, ni la Maîtresse ne sont au courant de l’heureux événement, vu qu’ils sont en déplacement. Mais c’est pas grave ! Une fois revenu, j'informerai directement le Maître. Nous étions rarement autorisés à fréquenter d’autres personnes autres que nos maîtres et compagnons d’infortunes, donc Madame pourrait rapidement avoir des soupçons nous concernant, mais j’ai aucun doute quant au fait que le Maître arrivera à trouver une solution ! Après tout, il m’aime véritablement. Pas comme la Maîtresse qu’il a été forcé d’épouser. Qui sait, un jour, notre enfant prendra peut-être la tête de la maison ! C’est peu probable, mais qu’est-ce que c’est bon de rêver !
D’ailleurs son nom est déjà tout trouvé !
Saul.
Un nom simple. Un nom beau. Un nom fort. Je prierais chaque jour pour qu’il soit en bonne santé, pour qu’il connaisse la liberté et qu’il devienne une admirable personne.

Saul, tu viens à peine de naître mais sache que je t’aime du plus profond de mon être.


Cher Journal

Travailler dans le manoir Gullverg est devenu difficile, depuis la naissance de l’enfant de Maria, il y a maintenant 6 ans. Très vite, la Maîtresse a découvert le pot-au-roses, et elle aurait fait battre Maria à mort si Monsieur Gullverg n’avait pas pris sa défense. Sa décision fut sans appel : il sera un bâtard légitimé inscrit dans la ligne de succession de la famille.
La Maîtresse a, jusqu’à ce jour, toujours pas digéré la nouvelle. En même temps, je la comprends : son orgueil de femme et d’épouse ont été blessé, et en plus de cela, il n’essayait même plus de dissimuler sa relation avec Maria ! Un peu de honte quand même !
Même ses autres enfants commencent à lui tourner le dos et il n’a pas l’air de s’en soucier.
Cela étant dit, Maria n’a jamais eu l’air si heureuse. Tant mieux pour elle je dirais. Elle pourra connaître l’ascension sociale dont elle a tant rêvé, et ce, sans risquer de perdre la vie dans une révolte d’esclave stupide.
Le petit Saul en revanche risquerait d’en baver un peu plus. Plus d’une fois j’ai vu ses demi-frères lui faire la misère. Le pauvre… Il n’avait rien demandé. Il n’a pas de partenaire de jeu de son âge au sein du manoir. J’ai l’impression qu’il est assez seul, mais en réalité, il reçoit assez d’amour de la part de sa mère pour être heureux. Il grandit vite et bien. Nous le voyons souvent danser avec nous lors de nos jours de repos. Et à vrai dire, nous l’aimons beaucoup nous aussi ! Il a pris cette habitude de nous appeler “Tata”... j’en rougirais presque si ça ne me donnait pas plus d’années que j’en ai déjà ! Quoi qu’il en soit, je suis sur qu’il va devenir un brave garçon dans le futur, intègre et honnête. Après tout, la bonté de ses parents coule dans ses veines.


Cher Journal

Soit loué les Dragons Célestes pour leur prévoyance dans la création de ce monde ! J’ai enfin pu punir cette trainée qui m’humiliait depuis tant d'années, avec le bon à rien qui me servait de mari.
Je l’ai empoisonné. C’est regrettable, mais il n’avait pas à tomber amoureuse d’une simple esclave. Et il a osé reconnaître le bâtard de leur union et inscrire son nom dans son testament  ? Qui suis-je pour subir pareil traitement ? Une Sirène ? N’importe quoi.
A l’heure ou j’écris ses lignes, la pétasse croupit dans un trou au fond du jardin, en attendant les marchands d'esclaves qui vont la déporter. Direction Tequila Wolf. Elle va vomir des pierres et soulever des briques jusqu’à se casser le dos, et finir dans une fosse commune. Elle ne sera plus jamais quelqu’un. Juste un numéro de série, et un maillet. D’ailleurs, elle n’a jamais été rien de plus qu’une catin qu’on a acheté. Elle mourra seule et oubliée de tous.
Quant au bâtard… J’ai commencé à m’occuper de son cas. Avec l’aide d’un de mes amis, nous avons pu falsifier un nouveau testament dans lequel il est rayé de l’héritage. Plus jamais il ne connaîtra la liberté.
A l’heure ou j’écris ses lignes, ses frères doivent sûrement “jouer” avec lui. Ça fait quelques jours qu’il n’a pas mangé et qu’on le fait bosser jusqu’à l’épuisement. Et ce n’est que le début. Je vais le déposséder de tout ce qu’il a ! Même sa pureté juvénile disparaîtra ! Certains de mes amis ont des goûts “ raffinés" en termes de partenaires, ils seront ravis de prendre le bâtard pour une ou plusieurs nuits. Je leur ferait même un prix tiens ! Le bâtard sera brisé !
Je dois te laisser cher journal, mon amant vient de sonner à la porte. Une nuit merveilleuse s’annonce pour ta détentrice, soit en fier !


Cher Journal

C’est une catastrophe ! Le merdeux s’est enfui ! Jamais j’aurais cru ça possible ! Nous le pensons mort à l’intérieur ! Comment ose-t-il se soustraire à notre autorité ? Nous sommes nobles ! Nous avons droit de vie et de mort sur cet esclave ! Nous deviendrons la risée de tout Luvneel si cela s’apprenait ! Pire encore, ça risquerait de donner l’idée aux autres esclaves de la région de s’enfuir, et pire, de se rebeller !
Ça faisait déjà plusieurs années qu’on vendait Saul aux nobles locaux pour sa belle gueule. Il faut dire ce qu’il est : à 16 ans, il est très bel homme. Hommes et femmes se l'arrachent à prix d’or à un tel point qu’il a sorti la famille de nos dettes grâce à son cul et son entrejambe ! C’est la seule manière qu’un esclave comme lui peut se sentir utile !
Oh mais cher journal, je dois aussi te raconter comment on l’a utilisé pour divertir un Dragon Céleste ! C’était un immense honneur que d’être en sa présence ! Si rayonnante, si lumineuse ! J’ai eu l’impression de voir une divinité sous mes yeux ! Mais je m’égare. Nous avons ramené Saul pour pouvoir espérer le vendre à Sa Sainteté et ainsi gagner une somme incommensurable, assez pour devenir les nobles les plus riches de North Blue. Mais malheureusement, ce ne fut pas concluant. Mais il nous a quand même surpris en ramenant un trésor inestimable : un fruit du démon ! C’était la première fois que j’en voyais un ! D’après la rumeur, ceux qui mange ces fruits sont dotés d’une capacité surhumaine, au détriment d’être maudit par le démon des mers. Il a forcé le bâtard à le manger devant tout le monde, avant de s’amuser à le noyer dans une cuve. Bien que ce fut divertissant, je ne pouvais m’empêcher de regarder ses yeux… Alors que ses poumons s'emplissent d’eau, je sentais son regard sur moi. Un regard sombre et froid, dénué de toute humanité. Comme si… Comme si il allait venir me tuer.
Mais c’est impossible ! Nous sommes nobles ! Nos gardes feront qu’une bouchée de lui, et c’est pas un gamin de 16 ans qui va nous causer des soucis ! Avec toute la fortune qu’on a amassée, nous pouvons nous payer une compagnie de mercenaires pour nous protéger. Donc autant dire qu’on est protégé ! Il ne pourra rien faire contre nous.